Les classiques en images. Virgile et Dante au XVe siècle

L'article s'interroge sur l'essor de l’illustration en "cycle continu" au sein de l'œuvre majeure de Virgile, l'Énéide, en particulier en Italie et après la deuxième moitié du XVe siècle, suite à presque un millénaire de "silence" iconographique. Par le biais de l'analyse d’un nouveau témoignage (Paris, BnF, Latin 7939A) qui s'ajoute à l'étude déjà conduite sur le cycle du ms. Florence, BR, 492, l'auteur confirme qu'une possible cause est à chercher dans le nouveau "regard vers l'Orient" des lecteurs italiens suite à la chute de Constantinople (1453) et à la diaspora des Grecs dans le monde latin. Ce regard est inscrit dans la mouvance idéologique de la propagande en faveur d’une nouvelle croisade contre les Turcs, promue en toute l’Italie par le pape Pio II (élu en 1458) et le cardinal Bessarion. Du point de vue iconographique, il se traduit par une évidente "orientalisation" et "byzantinisation" de l'histoire d'Énée. Une autre cause possible du phénomène d'illustration en "cycle continu" est à chercher dans le "regard vers l'au-delà" auquel le public italien s'est conformé, depuis presque un siècle et demi, via la diffusion de copies illustrées de la "Commedia" de Dante et de son récit de descente aux enfers qui doit beaucoup à l'imaginaire virgilien. L’influence de ce nouveau classique - cette fois-ci en vernaculaire - créé des interférences singulières entre les deux traditions iconographiques. L' équation "Dante = Énée" permet ainsi de donner une interprétation inédite du premier portrait du poète florentin par Giotto que l'on trouve dans les fresques de la Chapelle de Sainte Madeleine au Musée du Bargello.